Pas un kopeck ! est la réunion de trois courtes comédies d’Anton Tchekhov : Une demande en mariage, Les méfaits du tabac et L’ours.
Ces trois textes, irrésistiblement drôles, sont d’une efficacité redoutable. Leurs personnages sont empêtrés dans un délicieux bouillon de situations inextricables. On les voit tour à tour se débattre, se révolter et tenter de contrôler leurs destinées. En vain !
Et le génie de Tchekhov se concrétise alors : donner du plaisir au public tout en transmettant la vision éclairée qu’il possédait de ses contemporains et de leurs travers.
Ces travers qui, aujourd’hui, ne sont pas près de nous quitter !
Durée 1h10 A partir de 10 ans
Création La Compagnie Alcandre Avec Maïté Schvan, Sylvain Porcher, Vincent Remoissenet Mise en scène et direction Guillaume Dollinger
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La presse en parle
Regarts.org
La Compagnie Alcandre présente « Pas un kopeck », réunissant trois courtes comédies de Tchekov.
Il est vrai qu’on a souvent vu montés ensemble « La demande en mariage et L’ours » et que le monologue « Les méfaits du tabac » est la plupart du temps présenté en lever de rideau.
La Compagnie Alcandre a la bonne idée de lier les deux premières par le personnage de Nathalia Stepanovna, jeune fille dans la première devenue veuve dans la deuxième, en les séparant par la troisième jouée devant le rideau et marquant ainsi le temps écoulé.
Guillaume Dollinger, le metteur en scène, a pris le parti de jouer l’ensemble en farce, suscitant les nombreux rires du public scolaire présent lors de la première.
Il commence « La demande » en présentant d’emblée Nathalia comme une mégère tyrannisant son père, et Maïté Schvan s’en donne à cœur joie dans ce personnage de femme autoritaire et despotique ne laissant que peu d’espace au maladroit et souffreteux Ivan Vassilievitch Lomov, venu avec force hésitations demander sa main, excellemment interprété par Vincent Remoissenet déjà présent dans « Racine par la Racine » de la même Compagnie.
Sylvain Porcher prête sa solide carrure à Stepan Stepanovitch Tchouboukov, le père bien heureux de pouvoir enfin se débarrasser de son épouvantable fille.
C’est du pur divertissement avec les caractères portés à l’extrême, et cette demande en mariage qui tourne à la querelle de voisinage est des plus réjouissantes.
Dans « Les méfaits du tabac », Sylvain Porcher donne la pleine mesure de son talent comique en Niouchkine, petit homme malmené par son épouse qui le somme de donner cette conférence sur les méfaits du tabac lui qui est fumeur invétéré ! Toujours dans cette ligne de la farce, il est d’une efficace drôlerie qui gomme trop malheureusement à mon goût le caractère pitoyable et pathétique du personnage.
On retrouve Nathalia en veuve, dans le même décor que la demande en mariage. Vincent Remoissenet après son morceau de bravoure précédent se contente du rôle plus discret de Louka le valet, glissant à pas menus sur ses patins.
C’est au tour de Sylvain Porcher d’être mis en avant dans le rôle de Smirnov, un ancien officier d’artillerie grossier et coléreux venu réclamer le paiement d’une dette contractée par le défunt mari.
Le caractère volcanique de la veuve éplorée reprend vite le dessus dans une cinglante joute, son fort caractère finissant par séduire son adversaire !
Tchekov est maître en l’art de la comédie, maniant comique de répétition, de situation, de gestes, de mœurs, quiproquos et personnages hauts en couleurs tout en dénonçant à la manière de Molière les défauts de ses contemporains et les travers de la société russe de l’époque.
J’ai simplement regretté que le parti pris de la farce en donnant un portrait caricaturalement à charge de la femme, en attaque plutôt qu’en défense contre le machisme de l’homme, en ait effacé la subtilité, la tendresse, la légèreté et la profondeur, le côté poétique, romantique et passionné de l’âme russe au profit uniquement du rire. Mais c’est un choix et comme tel il est parfaitement réalisé.
Nicole Bourbon
La Théâtrothèque.com
Ces trois textes, irrésistiblement drôles, sont d’une efficacité redoutable.
Pas un kopeck, nom novateur pour trois pièces qui ne le sont pas : c’est sous ce titre que le metteur en scène Guillaume Dollinger a regroupé trois petites comédies régulièrement représentées de Tchekhov : Une Demande en mariage, Les Méfaits du tabac et L’Ours. Chronologiquement, l’idée tient admirablement la route puisque dans la première pièce – ici transformé en premier acte – nous assistons à la rencontre houleuse mais néanmoins concluante des deux principaux protagonistes des deux actes (ou pièces ?) à venir. Après quelques considérations bassement mercantiles, le grand amour et sa conclusion officielle, le mariage, pourront voir le jour.
Le mari fumera, et s’en plaindra (tout en se plaignant d’un autre fardeau, aussi, servant ainsi à la fois la cause misogyne et celle des associations anti-tabac) lors de son monologue. Le tabac tua-t-il déjà, au XIXe siècle ? La pièce ne l’affirme pas, mais on peut le croire, car voilà que le fumeur laisse son épouse veuve lors du dernier volet du spectacle.
Cette fin de l’histoire sera un recommencement : mêmes préoccupations bassement financières, même bisbilles (mais en plus viril aussi, cette fois-ci, les personnages auront eu le temps de grandir), et même goût pour l’amour que les disputes n’empêchent nullement et semblent même encourager.
La mise en scène tout en finesse n’oublie pas d’être diversifiée : pour preuve, le jeu de lumière du deuxième acte et tout son déroulement devant le rideau créant ainsi une nouvelle proximité avec le public. On sait qu’efficacité et simplicité font souvent bon ménage au théâtre, et la preuve nous en est redonnée ici: les quelques éléments de décor sont suffisamment mis en valeur pour prendre un réel plaisir esthétique sans pour autant que l’action se retrouve ralentie. En faisant ainsi une confiance totale au texte, les amateurs de Tchekhov seront ravis. Les autres, certes, un peu moins.
L’aisance des acteurs dans l’interprétation des personnages de cette Russie profonde d’un autre siècle est à souligner. Les trois acteurs Maïté Schvan, Sylvain Porcher et Vincent Remoissenet jouent avec beaucoup d’aisance et communiquent merveilleusement leur plaisir de jouer aux spectateurs.
Philippe Kalman
coup2theatre.com
De Tchekhov, je confesse humblement que je ne connaissais que les pièces cultes, Les Trois Sœurs, La Mouette, La Cerisaie…terrain de jeux de tous les metteurs en scène français depuis la fin des années 50. Mais Anton Tchekhov s’est commis également dans de courtes comédies, largement moins connues, dont le but était le simple divertissement ! Trois d’entre elles, La demande en mariage, Les méfaits du tabac et l’Ours, sont actuellement à l’affiche du Théâtre Douze, proposées et mises en scène par la compagnie Alcandre, que j’avais eu l’occasion de mieux connaître à l’occasion d’ UN CAFE AVEC son directeur Serge Bourhis en juin dernier. Bien installée dans la très jolie salle du théâtre Douze, je plonge avec plaisir dans la première pièce, La demande en mariage, dont l’intrigue est on ne peut plus simple : Lomov vient demander une jeune fille en mariage, Natalia Stepanovna. Il est reçu par le père, Stepan Stepanovitch, qui marque son enthousiasme, et va chercher sa fille. La question de l’appartenance du pré aux vaches fait dégénérer cette demande en mariage. Mais Natalia défaille quand elle apprend que le voisin était venu demander sa main. L’éconduit revient, elle souhaite présenter ses excuses mais se dispute à nouveau à propos du prix d’un chien de chasse. Le prétendant s’évanouit. On le croit mort. Ils se marieront… en se disputant. Les trois comédiens, à commencer par Vincent Remoissenet (déjà vu dans Molieratus et Racine par la racine) s’en donnent à cœur joie, n’hésitant pas à grossir le trait à la limite de caricature, mais toujours avec justesse et générosité.
Dans la scène monologue Les méfaits du tabac, le comédien Sylvain Porcher prête ses traits au personnage de Nioukhine, la cinquantaine, qui doit faire une conférence à la demande de sa femme sur les méfaits du tabac dans un cercle de province. On comprend rapidement que le pauvre homme est littéralement tyrannisé par sa femme et qu’il profite de cet espace de liberté pour se lamenter sur son sort. Soyons sincère, le texte est mineur dans l’œuvre de Tchekhov et n’offre pas d’intérêt particulier. Mais Sylvain Porcher, formidable comédien, tantôt goguenard, roublard, ou complice, offre toute l’étendue de son talent à servir ce texte, et nous fait passer un moment savoureux. Bravo à lui. Puis vient L’Ours, farce en 1 acte qui met en scène Elena Popova, une jeune veuve qui s’est retirée du monde depuis la mort de son mari, Grigori Smirnov, un propriétaire terrien et Louka, le vieux valet d’Elena. Smirnov, homme brutal et grossier vient réclamer le paiement de la dette contractée par le défunt mari d’Elena. S’ensuit une violente joute verbale entre les deux protagonistes qui n’aura d’issue que le meurtre …ou l’amour ! Encore une fois Sylvain Porcher est extrêmement convaincant dans ce rôle d’homme grossier, volcanique, brutal, prêt à tout et soudain fragilisé et ému par la découverte d’un sentiment amoureux insoupconné…
Au final, un spectacle fort réussi, bien rythmé et solidement interprété ! Allez applaudir ce beau trio d’acteurs dans un répertoire « tchekhovien » pour le moins inattendu. Car ici point d’envolées lyriques, de silences nourris, illustrant l’âme slave et la richesse intérieure de personnages en proie aux affres tourments de destinées tragiques. On se divertit seulement à voir ces personnages, profondément humains, se débattre dans des situations cocasses ou absurdes. Le spectacle est à l’affiche jusqu’au 30 novembre dans la très belle et confortable salle du théâtre Douze. Courez-y !
Elisabeth Donetti